Une visite à l’Osmothèque de Versailles est un voyage dans le temps qui laisse un souvenir olfactif indélébile; d’abord parce qu’on a la chance d’y sentir des fragrances aujourd’hui disparues que l’on se trouve les seuls au monde, l’instant de 2h30 passionnantes, à avoir l’immense chance de redécouvrir (l’Osmothèque est l’unique lieu au monde où elles sont recréées et conservées), et ensuite parce que l’on repart avec les mouillettes imprégnées de ces parfums fabuleux et disparus (17 mouillettes pour ma part!)…
La mini-conférence pratique est animée par un grand nom du parfum: Yves Tanguy, créateur de Sonia Rykiel pour homme, inventeur de la première fougère marine, vous racontera comment, du traitement des gants odorants par la famille Tombarelli pour Catherine de Médicis, la ville de Grasse est devenue un haut-lieu de la parfumerie française, comment Gabrielle Chanel exigea d’Ernest Beaux la forte présence de l’Ylang-Ylang dans le n°5, comment René Coty imposa son Chypre en flacon Lalique etc etc…
Mais surtout, vous ne sentirez plus aucun parfum moderne comme avant (peut-être même vous paraîtront-ils infâmes pour la plupart!), vous ne pourrez plus sentir un Guerlain sans y déceler immédiatemment la civette (qu’Yves Tanguy vous aura mise sous le nez, pur extrait dans son bocal, ainsi que la poche poilue du musc tonkin, jadis commercialisée au Pont-Neuf comme en témoigne P.Suskind dans son roman Le Parfum) – choc odorant garanti!-, vous vous extasierez en humant la concrète de rose ou l’absolue soliflore de jasmin, le parfum d’humus des feuilles de patchouli…
Aujourd’hui, quelque 300 à 400 parfums nouveaux sont inventés chaque année. Mais il y a de quoi s’interroger sur la pertinence d’une telle débauche de création, lorsque l’on apprend d’une part que Soir de Paris (1925) n’est autre que la version Monoprix du Chanel n°5 du même Ernest Beaux (donc pas la peine de vous jeter forcément sur le dernier Dior!), et lorsqu’on a la chance, comme celle qu’offre l’Osmothèque, de découvrir alors que les chefs-d’oeuvre de la parfumerie sont derrière nous. Vous pourrez sentir et repartir avec les mouillettes de parfums, tous disparus, tels que:
Le Parfum royal (1er siècle ap.JC), premier parfum de l’histoire recréé par Jean Kerléo d’après des textes de Pline l’Ancien; constitué de 27 composants, il fleure bon le miel, la cannelle, la girofle… L‘Eau de la Reine de Hongrie et son romarin (14e siècle); puis l’Eau de Cologne 4711 (autre nom de l’Acqua Mirabilis d’une famille de parfumeurs italiens) où domine le néroli et où 4711 désigne le n° de la rue à Cologne chez Mulens; l’Eau de Lubin (1798); Eau de Cologne de Napoléon à Sainte-Hélène (1815-1821); l’Ambre antique (René Coty, 1905); la Rose Jacqueminot (Coty, 1904); le Chypre de Coty (1917); des soliflores (Absolue Rose de mai, Absolue de jasmin); le Tabac Blond de Caron (1919); le Crêpe de Chine (Millot, 1925); Canoe et sa coumarine (Dana, 1935); Vent Vert (Balmain, 1945); Vetyver de Carven (1957)…
Parmi mes préférés, les plus grands parfums depuis des siècles: la fabuleuse Fougère Royale de Houbigant (1884, fragrance vénérée par Guy de Maupassant) avec sa coumarine triomphante; l’incomparable Iris Gris de Jacques Fath (1947) (dont on se demande pourquoi un tel chef-d’oeuvre n’existe plus: c’est à mon avis – et de l’avis de Yves Tanguy – l’un des plus beaux parfums de tous les temps qui vaut, à lui seul, la visite à l’Osmothèque), et enfin Le Fruit défendu (maison Rosine – Poiret), extraordinaire ambré fruité, façon pêche confite, créé par Henri Alméras en 1914…
Yves Tanguy conclut sa présentation en nous confiant une sorte de secret de travail: il a toujours un extrait de Jicky de Guerlain sur sa table de travail, et avant de finir n’importe quel parfum – comme le Rykiel pour homme (et bien d’autres) – il ne manque jamais, avant de décider si une formule est prête pour le client, de confronter à la fragrance de Jicky pour s’assurer que le nouveau parfum créé reste à la hauteur de ce chef-d’oeuvre de la parfumerie moderne (1889).
Les précurseurs de la parfumerie moderne (famille Hespéridée):
– Parfum royal (1er siècle ap.JC)
– Eau de la Reine de Hongrie (14e siècle)
– Eau Sans Pareille (17e siècle)
– Eau de Cologne de J.M Farina (&4711) (18e siècle)
– Vinaigre des 4 voleurs (18e siècle)
– Vinaigre du Bully (18e siècle)
– Eau de Cologne de Napoléon à Ste Hélène (1815-1821)
– Bouquet à la Maréchale Askinson (1892-1915)
Visite et réservations à l’Osmothèque.
Ah nostalgie!!! Ca me rappelle ma collection de pub de parfum quand j’étais une jeune ado. J’avais mis la main sur de très vieux Paris-Match dans le grenier de ma grand-mère et il y avait des pubs incroyables dedans!
en tout cas, si tu es parisienne, cours vite à une seance de l’Osmotheque: on ne renifle plus rien comme avant quand on y est allé – j’ai décidé que j’y retournerais tous les 10 ans, tiens! pour renouveler mes shoots de madeleines de Proust olfatives!! aaaah l’Iris Gris de Jacques Fath!! aah, La Fougère Royale de Houbigant!!! j’ai religieusement enfermé mes 17 mouillettes dans un sac bien hermetique pour pouvoir les humer de temps en temps pendant encore qques semaines après cette fabuleuse visite!!)
Ca doit être un véritable voyage dans le temps et les senteurs !
Ton enthousiasme au retour donne encore plus envie d’y aller.
Que tu me donnes envie d’y aller!!! Ta présentation est passionnante. J’ai envie de découvrir l’Iris Gris et surtout de sentir à nouveau l’eau de cologne de Jean-Marie Farina que mon grand-père portait. J’ignorais que Vent Vert et Canoe n’existaient plus. remarque, quand tu vois l’afflux de nouveaux parfums chaque année, il faut bien faire de la place.
Mais dis-moi, ce sont des parfums synthétiques qu’ils vous font sentir ou de vrais parfums naturels? Il paraît que même les Guerlain ont une majorité d’essence synthétiques. je ne retrouve plus en sentant « Vol de nuit » ou » l’Heure bleue » le souvenir exact de ce que je « sentais » petite fille.
Il faut y aller, rien que pour l’Iris Gris, La Fougère Royale et Canoe (lequel n’aurait pas totalement disparu – il y a 15 ans je me souviens l’avoir reniflé chez Sephora- mais est devenu difficilement trouvable). Le fruit défendu est à tomber par terre aussi…Vent vert existe toujours: mais ce que l’on te fait sentir à l’Osmotheque est la version originale, qui n’a rien à voir avec la version actuelle. Pour ce qui est des composants naturels, pour cause de législation provenant de Bruxelles (Yves Tanguy explique ça en long et en large dans la presentation), de nombreux composants sont recréés de façon artificielle. Ceci dit, le composant « poire » n’a jamais été de la poire, même chose pour l’oeillet (pour lequel on utilise de l’eugénol..). Pour les fruits, par exemple, les seuls composants naturels sont les agrumes (et encore il s’agit du zest et jamais du fruit)… Mais tous ces détails passionnants, ils sont clairement expliqués par Yves Tanguy (ou Jean Kerléo, il y a 15 ans la premiere fois que j’y etais allée)
Quant à Vol de nuit et l’Heure bleue (surtout Vol de Nuit), une fois que tu auras reniflé la « civette » en composant isolé dans son bocal (et celle qu’on te fait sentir est très très loin d’être de synthèse: visuellement comme olfactivement, c’est de la vraie de vraie!!!), à l’Osmotheque, tu ne pourras plus sentir un Guerlain comme avant: Vol de Nuit, en particulier, déborde de civette (de synthese ou non)!!
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