Le metteur en scène serait entré dans l’inconscient de Blanche-Neige pendant son sommeil, que son film n’en aurait pas été différent. Blancanieves a l’ambiguité des rêves et des cauchemars, de ceux dont on se réveille en se disant qu’on a rêvé un truc à la fois bizarre et hyper cohérent. Fascinant, captivant, on ne décroche pas une seconde de ce film muet, en noir et blanc (et Dieu sait si je me suis ennuyée à The Artist, en comparaison). Ici, le N&B se justifie pleinement car il ne se résout pas en un simple exercice de style sur un genre filmique désuet. Le muet en N&B est bien au contraire le support qui donne tout son sens au film: on est presque chez Bunuel, dans une Blanche-Neige version Un chien andalou, où l’onirisme étrange les images signe le destin de la protagoniste, tel ce personnage de démiurge-impresario qui lui tend sa carte de visite, et au dos de laquelle est inscrit « 66 Destino ». L’ombre et la lumière, le Bien et le Mal (tous subtilement entremêlés), la face sombre et la face lumineuse des choses sont le fil conducteur du « destin » de Blanche-Neige, sur lequel plane l’ombre menaçante du chiffre 6: 6 le nombre de taureaux (le 6e est d’ailleurs prénommé Lucifer), 6 le nombre de nains (et non pas 7)… Sans parler de tous les personnages ou animaux psychopompes, qui embarquent l’âme de Blancanieves (Carmencita) du côté de la face sombre et cachée de sa vie: le coq (mort et renaissance au lever du soleil), les nains (détenteurs du « secret »), et le taureau bien sûr. Pablo Berger réussit même le tour de force de donner à la pomme empoisonnée la fonction et la symbolique de celle d’Adam et Eve, tandis que le Prince charmant, quant à lui, est justement l’un des 6 nains… La scène finale est d’ailleurs d’une beauté exceptionnelle. Bref, il faut courir voir ce film, l’un des plus beaux qu’il m’ait été donné de voir depuis longtemps.
Vu le: 28/01/2013. Note: ****
voilà qui me donne une grande envie de voir ce film, accompagnée de ma fille. Je vais lui montrer ton billet.Et après nous regarderons cette daube de « Blanche-Neige et le chasseur » comme un film comique 😉
Excellente idée! (je le conseillerais plutôt aux ados de 12-13 ans minimum, quand même, parce qu’un enfant trop petit va qd même passer à côté de plein de trucs, tant ce film et riche, et ce serait dommage….)
Elle a 20 ans et la façon dont le thème est abordé devrait beaucoup plaire à son âme d’artiste, de philosophe.
ah oui, parfait!! Artiste et philosophe, elle va a-do-rer!
Je viens de lui en parler et le titre du film à peine énoncé elle m’a dit « ah oui je kifferais trop de le voir ce film ! ». Dont acte bientôt.
Génial, je n’en avais même pas entendu parler! Moi qui adore les films en noir/blanc en plus…
ps: Tu dois etre la seule personne au monde à avouer s’être ennuyée mortellement devant the Artist! Chapeau;)
en fait, je ne me suis pas « mortellement » ennuyée à The Artist, mais un peu quand même, d’autant que je connais par coeur « Chantons sous la pluie », et que, à part le toutou, j’ai eu l’impression d’un remake sympa, mais sans plus… On ressort de là en se disant « so what? », ce qui n’est pas le cas de Blancanieves, film bcp plus profond et intéressant cinématographiquement parlant (d’ailleurs, j’ai lu ici et là plein d’internautes le trouvant bien meilleur que The Artist, dans le genre)