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LE truc qui ne lui serait sans doute jamais arrivé en France: Garance Doré en conférence à Yale. Genre l’Université la plus prestigieuse des US, quoi. Le jour où la Sorbonne l’invite, ou un département universitaire (ce qui ne serait pas si débile à mon sens dans certaines filières…), appelez-moi. Fossé entre deux cultures: méritocratie absolue en France contre culture du just do it aux US… Juste parce qu’elle a « réussi », quels qu’en soient les moyens, elle a pris du galon et son parcours en crescendo fait alors d’elle une maestra. Et le message est: aux Etats-Unis, ce que l’on est, ou ce que l’on est devenu, c’est l’équivalent d’un titre universitaire avec formation académique permettant d’occuper, même ponctuellement, une chaire universitaire.
Je ne porte aucun jugement sur tout cela, je ne fais que constater le fossé culturel. Est-ce qu’il est bien que « n’importe qui » (au sens de: sans diplôme correspondant, ni savoir au sens académique du terme) ait accès – même ponctuellement – à une chaire universitaire, pourvu qu’il ait quelque chose à apporter (et c’est sûrement vrai pour Garance Doré) aux étudiants qui l’écoutent? Ou est-ce au contraire du grand n’importe quoi, de la poudre aux yeux et une offense à ceux qui ont, au contraire, étudié des années pour obtenir ce statut? C’est en tout cas révélateur – à mon avis – d’une conception bien différente des profs et de l’enseignement aux États-Unis. D’une part, là-bas, me semble-t-il, on enseigne aussi un « savoir-être« , qui est bien moins enseigné en France (sauf peut-être dans les grandes écoles commerciales, mais c’est sans doute aussi beaucoup plus formaté et cadré). D’autre part, cela dénote aussi une autre conception du prof: il est d’abord celui qui fait passer plus qu’un savoir académique. Or, (dîtes-moi si je me trompe) les profs qui nous ont le plus marqués ne sont-ils pas ceux nous ont transmis bien plus qu’un savoir académique: des valeurs implicites, le dépassement de soi, la rigueur, la passion pour quelque chose, ou que sais-je encore…?
Crédit photos @New York Times
Je partage ton avis. Les profs qui nous ont marqué sont ceux qui étaient passionnés. Concernant la différence culturelle, effectivement, c’est plus cash aux States même si les choses évoluent un peu en France. Sauf erreur de ma part, il me semble que Karl Lagerfeld est intervenu à Sciences-Po Paris cette année, non?
Elle est super la première photo de Garance. La main sur le coeur est assez symbolique.
ah tiens, je ne savais pas pour Lagerfeld (en même temps, c’est un tel puits de culture, ce type….)
Totalement d’accord avec ce que tu écris. Je me souviens encore de mon prof d’éco en 2e (milieu des 70′).
Aux Etats-Unis il y a une grande culture du « self-made-man » alors qu’en France c’est le diplôme qui compte.
Ma fille fait des études en restauration du patrimoine en école privée, son Master est reconnu par l’Education Nationale mais le ministère de la Culture, ayant son propre institut de formation accessible sur concours uniquement aux forts en maths et sciences ne reconnaît pas la qualité de la formation. Il est estimé que le master de cette école privée est tout bonnement « acheté ». Or quand je vois le nombre d’heures de travaux pratiques qu’elle effectue, le résultat obtenu sur les objets sur lesquels elle s’entraîne et la sévérité (de bon aloi) de la notation son diplôme sera mérité et non « acheté ».
ça, c’est vraiment excessif, en France, ce côté « chasse gardée » dans certains domaines. Et pourtant Dieu sait si je ne suis pas « pour » les trucs privés.
Ah sur ce point, je ne suis franchement pas d’accord avec toi Jicky.
En fait, ce n’est pas sur le plan de la différence culturelle ni sur celui de la meritocratie (ce en quoi je te rejoins quoiqu’il faille néanmoins faire attention à l’hyper glorification d’un système…). Non mon opposition va sur le fait que GARANCE soit reçu à Yale. Non mais ok pour Karl Lagerfeld mais navré, je ne vois pas franchement pourquoi Garance est invité à exposer, que ce soit à Yale ou ailleurs. Clairement cette “jeune” femme a su tirer son épingle du jeu, bien monnayer son talent (sic) et surtout, bien déleguer. Et alors ? Est ce parce qu’elle est française, côtoie les happy few, ou que sais je ? Je ne vois quel message super important elle aurait délivrer à Yale. Je ne mets pas en case son talent ni sa réussite, juste le fait qu’elle soit invité à YALE ! Vois pas le rapport. D’autant qu’il y a pléthore de français, entrepreneurs, tout aussi méritants qui ont réussi aux US. Non franchement, comprends pas. Navré si je ne fais pas partie du chorus énamouré.
Je pense vraiment que c’est dans la « culture », la mentalité du pays. Même si je suis très très partagée sur le fait qu’elle soit invitée conférencière à Yale (ne serait ce que parce que cela érige en modèle quelqu’un qui est une exception – non, tout le monde ne devient pas Garance Doré en ouvrant un blog). Ok, je me doute bien qu’elle n’enseigne pas un « contenu » et que, d’après ce que j’en ai lu, c’est davantage un témoignage de vécu, sur un « savoir être » qu’elle est invitée à faire partager, parce que son expérience « colle » à une certaine vision de la réussite aux Etats-Unis (la self-made woman, pas obligé de faire des études pour réussir dans la vie, croire en soi etc etc…. autant de choses qui sont bien plus « américaines » que françaises). En France on croit encore dur comme fer à l’Ecole de la République (même s’il y aurait bcp à dire sur la dégradation de son niveau d’exigence, mais passons, il faudrait un blog entier), laquelle école n’a toutefois de cesse en outre – à mon avis – de construire des cases bien casées et bien pensées de là-haut pour que (suprême paradoxe) nos bambins ne deviennent que ce qu’il est politiquement correct et économiquement correct de devenir: des entrepreneurs, de gens qui ont envie d’entreprendre, des informaticiens, des ingénieurs, tout ce que tu veux…. mais certainement pas une école qui les pousse à être littéraires, philosophes, créatifs, artistes, historiens, journalistes… NAN. Même lu dans le monde ce matin, Hollande qui dit: l’école ne forme pas assez aux « métiers d’avenirs » (comprendre: ceux que je viens de citer) et ils veulent mettre le codage informatique dès l’école primaire!!!!???? On hallucine, alors que l’écrasante majorité d’entre eux ne sait même plus aligner deux mots de français correct, et ne lisent plus….. Mais je digresse! 🙂
J’aime beaucoup Garance, je vais tous les jours sur son blog depuis des années. Je suis admirative de sa réussite. Pour moi les deux choses qui l’ont beaucoup aidé dans sa réussite est qu’elle a osé quitté sa région natale mais primordiale sa rencontre avec Scott, pour moi c’est surtout lui qui est à l’origine de son ascension. Il l’a soutient énormément, l’a poussé dans des domaines qu’elle n’aurait pas osé aborder toute seule.
Aux US c’est vrai qu’on peut réussir sans diplôme si on a le feu sacré mais il faut aussi être carriériste, ne pas hésiter à écraser quelqu’un pour prendre sa place (le monde des finances et avocats sont des milieux impitoyables…).
Par contre le niveau scolaire est beaucoup plus poussé là bas.
Je pense qu’on en a parlé parce que c’est Garance mais ça ne doit pas être la première « self made woman » à intervenir à Yale.
Je trouve ça bien de valoriser les parcours atypiques et de ne pas faire intervenir que des anciens d’HEC 🙂
C’est très bien de faire intervenir des personnes qui ont réussi malgré des parcours atypiques et je suis d’accord avec le système américain qui valorise cela contrairement à la France. Par contre, GD à Yale non !! la carrière de GD n’est pas uniquement une question de talent (qu’elle a sans aucun doute) c’est aussi de l’opportunisme et des rencontres au bon moment (tant mieux pour elle). Donc je me pose la question qu’a t-elle pu raconter ? Désolée elle n’est pas pour moi une image de self made woman – Je me souviens d’une interview de M. Jagger dans laquelle le présentateur lui demandait s’il se sentait flatté du fait que plusieurs étudiants avaient publié des thèses sur les Rolling Stones, Il avait répondu que pas du tout, qu’il trouvait même ca triste que des étudiants perdent leur temps à écrire qq chose sur les stones alors qu’il trouvait qu’il y avait des sujets bien plus passionnants à développer. Pour moi cela résume assez ce que je pense de la visite de GD à Yale !
@Murielle : pour avoir été à l’Université aux USA, non le niveau n’est pas plus poussé la bas – c’est un mythe et beaucoup de personnes que je connaisqui ont suivi un circuit d’universités aux USA partagent le même avis – mais les moyens financiers mis à disposition pour les étudiants ne sont pas les mêmes là est la différence.
je trouve ce témoignage excellent! et je partage ton analyse sur le niveau (d’autant que je crois savoir qu’ils sont davantage – notamment en sc.humaines – dans la « vulgarisation »).
Comme il manque de visionnaires en politique, le milieu académique n’est hélas plus porté par des hommes qui inspirent leurs élèves au-delà du savoir qu’ils sont sensés leur transmettre. C’est bien dommage, car enseigner, c’est aussi du « savoir-être ».