Je ne parle jamais de livres ici, d’abord parce que ça n’est pas la dominante du blog, et ensuite parce que j’ai très rarement de vrais coups de coeur pour un roman, romans que je lis du coup assez peu tellement mon degré d’exigence est élevé… Qu’un livre m’ennuie et ne m’apporte rien est, je crois, bien pire pour moi que l’ennui équivalent au cinéma. Mais cette fois, je suis enfin happée par un ouvrage dont je ne peux que venir vous parler. Je n’en suis qu’à la moitié, mais Eva de Simon Liberati comble déjà mes exigences en matière de littérature: être embarquée par une écriture qui créée un monde à la fois particulier et suffisamment universel pour côtoyer les plus grands (les Proust, les Théophile Gautier, les Edgar Poe, les Dante et j’en passe). Là, on y est: Eva semble écrit dans les vapeurs d’opium des Fleurs du Mal, hanté par l’atavisme immémorial des Filles du Feu de Gérard de Nerval, évoluer dans l’imagerie féroce et envahissante d’un Félicien Rops, se brûler les ailes chez Huysmans, flirter avec l’alchimie mystérieuse de l’univers d’André Breton et le fantastique d’Edgar Poe, le tout fortement teinté de la plume ensorcelante d’Elsa Morante dans Mensonges et sortilèges… ça fait beaucoup, vous me direz, mais pour moi – sorry – il faut bien tout ça pour que ça « déménage ». À mon avis, on adore ou on déteste, mais… just read it, et vous me direz si vous ne ressortez pas de là remué comme tout roman digne de ce nom devrait le faire (et je parle aussi du style; pas seulement de l’histoire…).
Livres: Eva – Simon Liberati
02 vendredi Oct 2015
Posted Art, Chic People, Cinéma Films
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Les interviews de l’auteur ne m’avais vraiment pas donné envie de le lire mais ce que tu en dis change complètement ma vision du livre!!
Et pour le reste, je te comprends : il fut un temps où je finissais toujours un roman, fut-il mauvais. Maintenant, non, je le balance sans états d’âme.
en toute franchise, j’ai commencé par être plus que mitigée (j’avais entendu une critique emballée au Masque et la Plume qui parlait de « chef d’oeuvre » et de « nouveau Nadja » (pour te dire!). Du coup, m’attendant à des merveilles, j’ai trouvé la 1ère moitié du roman pas assez universelle, trop personnelle (genre on s’en fout un peu de ton histoire) donc justement ce qu’il manque au Nadja de Breton… Mais ensuite, une fois posées ces bases très autobiographiques, le roman part dans quelque chose de bcp plus intéressant, ça tourne au « mythe » et là, oui, je trouve qu’il arrive à faire d’une histoire très personnelle qque chose qui relève du « mythologique » et de l’universel… et ça devient magnifique. J’ai vu que d’aucuns (l’Express) trouvent l’écriture et le récit prétentieux: à mon avis, ils confondent ce que le côté « amour fou » (au sens bretonien du terme) peut entraîner sur le plan du style (comme par hasard, on reprochait un peu la même mégalomanie à Breton) et le style lui-même qui (à mon avis nécessairement) part ds un effet de vapeurs d’opium – certes grandiloquentes – mais c’est confondre cause et effet, en prêtant des intentions à l’auteur que de l’accuser de prétention – alors que justement il est « sous influence », dans un « état » particulier, le style n’étant alors que le symptôme de l’effet produit par cette influence – … à mon avis, hein! :-). Après, peut-être que le bonhomme est antipathique et prétentieux, je ne sais pas, mais c’est comme avec l’écrivain Céline: un gros connard sans doute, mais Voyage au bout de la nuit reste un chef d’oeuvre… À un moment donné, je pense qu’il faut laisser l’auteur de l’oeuvre sur le bord de la route et laisser vivre sa création toute seule, pour ce qu’elle est (et en soi, je ne la trouve pas du tout prétentieuse)
Mais je conçois très bien qu’on puisse détester ou ne pas accrocher.. voire ne rien comprendre (parce qu’en plus il y a un arrière-plan culturel, onirique et littéraire super riche)